- perron
- Perron, m. penac. Est comme une base quarrée eslevée sur terre de cinq ou six pieds de haut, ou plus (terme usité és Romans anciens) où les Chevaliers errants pendoyent ou affichoyent leurs emprinses pour s'essayer aux estranges et faëes adventures. Il estoit fait pour la plus part de marbre ou d'autre pierre, ou bien de fer ou d'autre metail. L'usage en est escrit au 2. livre d'Amadis de Gaule en ces mots: Et à demi traict d'arc pres, tirant au jardin, planta un perron de fer de la hauteur de cinq coudées, etc. Et peu apres: Lors fit apporter deux autres perrons, l'un de marbre, qu'il mit à cinq pas pres de la chambre, et l'autre de cuyvre à cinq autres pas plus avant, puis escrivit au perron de cuyvre tels mots, selon la bonté du chevalier qui essaiera l'adventure, il passera le perron, les uns plus oultre, les autres moins. Sur celuy de marbre: Nul ne s'advanture passer ceste pierre, pour entrer en la chambre, s'il ne passe en chevalerie Apolidon. Et sur l'entrée de la chambre: Celuy qui entrera ceans, excedera en armes Apolidon, et sera apres luy seigneur de ce pays. Et estoit force, avant que d'approcher de ceste chambre, toucher aux deux perrons, et là eux esprouver, etc. Et ordonna que à ceux qui esprouveroyent l'adventure des perrons pour entrer en la chambre defenduë, s'ils ne passoient celuy de cuyvre, qu'on les desarmast, chassast et hors de l'isle, et si d'advanture ils le franchissoient, que à la difference des autres, l'espée seule leur fust ostée, mais si quelque meilleur chevalier {{o=cheuailer}} pouvoit venir jusques à celuy de marbre, qu'il ne luy fust osté que l'escu, toutesfois s'il passoit oultre, sans entrer en la chambre, que les esperons seuls luy fussent deschaussez. Et au chap. 2. selon la bonté et chevalerie de ceux qui ont voulu entrer en la chambre defenduë, leurs escus sont honnorez. Et ceux que vous voyez pres de terre, furent aux chevaliers qui n'ont approché le perron de cuyvre, mais les dix plus hauts y sont parvenus, et plus encores ont fait ceux à qui furent ces deux autres que vous voyez separez, et au dessus des autres, car ils ont passé le perron, sans toutesfois approcher celuy de marbre, comme a fait l'autre duquel l'escu est eslevé encores plus haut que de ces deux tant estimez. Par lequel discours et autre qui s'ensuit {{o=sensuit}} audit chappitre, se peut voir que les chevaliers anciennement en un festin royal ou court planiere, ou autre grande assemblée de haute court, usoient de ceste assiete de perrons en un pas de combat, qui estoit ouvert par les tenans, ausquels perrons il convenoit aux assaillans combatre pour les franchir et avoir honneur en forceant le pas, et aux tenans de les rebouter par force d'armes et appertise au combat, et que c'estoit une meslée courtoise des deux partis, à la semblance de celle qui est à oultrance et fer esmolu, entre les assaillans et defendans une frontiere. On appelle perron aussi cet accoudoir de pierre de taille a une ou deux montées de quatre ou cinq marches de degrez chacune, qui est eslevé en la court d'une maison vis à vis de la porte du corps d'hostel, par laquelle on y entre, Suggestus lapideus, Alij vocant, Pierron.
Thresor de la langue françoyse. Jean Nicot.